Quelle surprise ! Ils sont là tous les trois. J'avais pourtant ouvert la boîte hier ! Le facteur a dû passer dans l'après-midi... Joie. Je plonge dans toute cette beauté.
Comment appelle-t-on cela ? Une prémonition. J'écrivais que dans votre poésie certaines choses ne voulaient pas être oubliées ni que vous ne vouliez pas les oublier. Et c'est là devant sous les trois écrins que vous avez mis en bandeau pour cet espace de poésie. Espace... Comme cela va bien à vos poèmes.
J'ai retrouvé le poème "Départ", celui que vous aviez posé chez Raymond. Celui qui ouvre le recueil "Rue des années perdues". Ce jour-là, vous partiez.. "Sur le marchepied j'ai hésité Le jour la nuit tout ce à quoi Peut se résumer une vie d'homme" Vous ajoutez : "J'ai oublié ce que j'avais à te dire Et je suis monté" Et s'en viennent vos poèmes. Paroles pures qui percent une nuit obscure pour l'illuminer. Le temps retrouvé. Je ne sais où il commence; Peut-être dans cette "Mémoire africaine" : "Je me souviens d'une case Où des pêcheurs bleus lançaient leurs filets Etais-je ce jeune homme aux poches remplies de poèmes Humant la salure de l'espérance
Une pirogue fragile me tenait lier de rempart Sous les cieux imprévisibles j'écoutais les nuages et leur sourate d'eau Un calao plantait en vain son cri
Mes filets n'accrochaient que le vent Au loin descendu d’Égypte Un vol d'ibis M'enseignait la géométrie des rêves (...)"
Ou peut-être sur cette route ? "Je marche sur une route précédé de mon ombre Mais c'est l'ombre qui est la route (...)"
Et vous êtes là près de la "fenêtre si grande ouverte Qu'on la croit capable d'avaler le bleu du ciel Ou quelque oiseau de passage (...)"
Une présence féminine, douce, voluptueuse hante ces recueils, presque irréelle, comme un rêve. Lumière des choses inachevées...
Je vous laisse pour lire. C'esu un monde où je respire bien. Un monde qui n'existe que par le pouvoir des mots.
Que c'est bon de pouvoir passer d'un recueil à l'autre. Les années passent et ce qui est essentiel revient comme une écharde comme une douceur aussi. Oui, ce paysage cher à Senghor est d'une beauté infinie comme le Torii d'Itsukushima. Écume et sel, eaux miroitantes avec ce portail rouge qui "appelle un monde invisible" mais aussi la présence d'Onyx dieu persan. Il faut avoir aimé vécu près d'un chat l'avoir accompagné jusqu'à la mort pour être bouleversé par ce poème : "La nuit surgit ta couleur Je sais l'instant où ta fourrure noire et soyeuse s'étend sur toute chose Obscurité à moi seul familière Je marche dans l'eau de tes prunelles
Tes pattes fourragent ma mémoire Comme autrefois ma main ta robe Viens fuyons dans la peau du ciel Et les nuages et les rêves recomposés
L'or de ton regard précède l'aube Est-ce toi qui roule cette pelote inextricable de jour et de nuit Comment oublierais-je Ta beauté réduite en cendres"
Il apparaît dès le premier recueil, fugitivement : "Robe d'ombre fugitive, éclats d'or de tes yeux Les jours bondissent plus vite que toi." Ou encore : "Est-ce moi qui me débattais Dans les pattes de tes rêves "
Chaque thème , ainsi, apparaît, disparaît, est rappelé. L'écriture s'allège, retient l'essentiel. Le lecteur retrouve une mélodie, une image. C'est un chemin de mémoire douce. La femme aimée aussi revient comme vague. Le poète la tutoie tristement. Pourquoi cette absence ? Tendre beauté dont les mains ouvrent à la nuit.
Ce qui est sensible , c'est la façon dont se dessine votre blog ("la sortie est au fond du web) dans vos poèmes. Ainsi, dans le recueil "Les voiles d'encre" /L'Arbre à paroles, (mon préféré), ce poème, "Mémoire" : "La nuit roule ses vagues d'ancolies noires Je cherche le sentier du sommeil Dans les herbes hautes d'un livre
Un conte tente de se frayer un chemin Jusqu'à la braise de la lampe
Clarté mourante Nous sommes deux A nous souvenir de l'Univers"
Ainsi, les mots, déjà, balancent entre deux mondes. L'immédiat de la poésie pénètre l'étrangeté du monde. L'inaccessible de la science-fiction habite cette coulée sonore dans une immense douceur. "
"Ce n’est pas des mots pour rien ce poème Ce n’est pas un chant pour personne cette mélancolie Voici l’automne et ses froides étoiles Il reste assez de vent pour s’enfuir L’oiseau d’Afrique demande l’heure Mais la mer est loin comme un voyage Et les pays se perdent dans les pays – Écoute à travers les ramures Le bruit doré d’un arbre qui meurt" Georges Schéhadé
A la limite de la disparition. votre lieu est le mouvement. peut-être que le monde perdu commence sur le versant caché des mots, dans le chuchotement du poème écrit avec une main enfin libérée de la pesanteur du réel. Comment déplier le désir d'ailleurs ?
Enfin, la poésie s'appuie sur le réel par la présence dans le monde. Sans le réel la poésie n'est plus poésie. Elle permet même d'accéder au réel. Mais la réalité en est transformée. Mais la littérature et la vie ne sont pas tout à fait les mêmes espaces. C'est un double "je".
La beauté du monde et de la déchirure génèrent l'écriture de vos poèmes teintés de sensualité, de mélancolie. La nature devient lieu poétique mais la gaité y fait des etincelles. Vous écrivez : "Je suis net à Montevideo ou peut-être sur le fleuve Congo Dans un jardin au Liban près d'une fontaine Mes parents s'appelaient Jules jacques ou Georges
Je suis né d'une famille de poètes recomposée Dont les noms ornent les rues les places les hôpitaux Et qui me laissent en héritage
Un cavalier à l'épaule de nuit Des arbres voyageurs et des aras malicieux Qui se moquent de ma page blanche"
Ce qui est beau dans votre mélancolie c'est qu'elle rejoint la légèreté, l'insouciance, la fraîcheur. "Que ton vers soit la chose envolée" écrivez Verlaine. Ainsi faites-vous dans "Le temps des hommes". "Pins odorants mer étincelante éternité bienheureuse Pactes de lumière accordés à nos brèves existences (...) Et nous offrez un bref instant le langage des feuilles Ce que dit l'arbre dans sa respiration d'oiseau (...)" Avant de retrouver après la saison éphémère de la joie., La tristesse.. "Que tout corps devienne danseur et que tout esprit devienne oiseau" écrivait Georges schehadé.
"Jules jacques ou Georges" Jules Supervielle, Jacques Prévert, Georges Schéhadé, mais j'aurais pu ajouter Jean-Baptiste Tati-Loutard :
NOUVELLES DE MA MÈRE (in Poèmes de la mer)
Je suis maintenant très haut dans l’arbre des saisons ; En bas je contemple la terre ferme du passé. Quand les champs s’ouvraient aux semailles, Avant que le baobab n’épaule quelques oiseaux Au premier signal du soleil, Ce sont tes pas qui chantaient autour de moi : Grains de clochettes rythmant mes ablutions. Je suis maintenant très haut dans l’arbre des saisons. Apprends par ce quinzième jour de lune, Que ce sont les larmes ― jusqu’ici ― Qui comblent ton absence, Allègent goutte à goutte ton image Trop lourde sur ma pupille ; Le soir sur ma natte je veille toute trempée de toi Comme si tu m’habitais une seconde fois.
Supervielle... Me revient en mémoire : "Le front aux vitres comme font les veilleurs de chagrin (...) J'étais comme un bateau coulant dans l'eau fermée Comme un mort je n'avais qu'un unique élément"
Eh non, c'est Eluard ! Alors quoi de Supervielle dans ma mémoire ? "Où courent ils ainsi ces lièvres, ces belettes..." C'est l'histoire d'un homme seul, de mots qui l'atteignent comme des balles perdues, du mal fait à des amis....
"Il faut avoir aimé vécu près d'un chat l'avoir accompagné jusqu'à la mort pour être bouleversé par ce poème :" J'ai été évasif à ce sujet, plus haut sur le blog principal, mais la mort d'Onyx a été un arrachement et le souvenir de ses derniers instants c'est comme si on m'extirpait le cœur à chaque fois. Ce chat était exclusif. Tous les jours je me heurtais, je me heurte à des indifférences, à des hostilités, à moi-même, et là "on" m'arrachait un des biens les plus précieux, celui que j'étais censé protéger, qui ne plaçait sa confiance qu'en moi.
Mes enfants et mes petits-enfants, mon frère aussi ont vécu ce drame et ont accompagné, chacun, leur chat âgé et arrivé au bout de sa vie chez le véto. Ils étaient dévastés de chagrin. Tous ont tenu leur chat dans leurs bras au moment de la piqûre fatale. Votre poème est plein d'amour pour votre petit compagnon..
Pour prolonger la douceur et la tristesse de cette mémoire, ce petit texte de Philippe Jaccottet du recueil "Ce peu de bruit". "La chatte (dont il a bien fallu abréger les jours) : le silence total de ses pas, où qu'elle allât - passages d'une ombre lumineuse, pour nous en partie absente, comme prise dans un rêve tranquille, avec peu de cris et ceux-ci, les derniers temps, de plus en plus brefs et faibles. Avec plusieurs fois par jour, des rites presque horlogers, dès le réveil ; et l'attachement, tout de même, qu'elle suscite et dont elle fait si discrètement preuve en retour : une petite âme tout de même, visiblement inquiète et boudeuse au moment de nos rares départs. A la campagne, l'été, cet autre rite indépendant de nous celui-ci : d'aller au coucher du soleil, presque immanquablement s'allonger sur le même rocher, face au soleil, comme pour profiter encore de sa chaleur. Une petite âme en chaussons de fourrure, peu de chose, mais tout de même."
Le soir tombant, j'ai lu lentent votre dernier recueil paru en 2018. C'est une longue élégie. "Rue des années perdues". J'aime le nom de la maison d'édition "La petite porte". Comme cela vous va bien. Un murmure...
"Entre lune et sommeil J'étais entre la lune et le sommeil J'étais ce bateau remontant le fleuve Guettant les rives Où les arbres joignent leurs branches par-dessus les eaux Je ne peux dormir sans la bénédiction De tes mains"
Le monde est-il encore habitable poétiquement ? Tout semble devenir incertitude. Le poète flotte dans un entre-deux dans un lieu sans frontière soulignant la perte.. Il s'absente... Ici et ailleurs, immobile au milieu de la foule.
"Remontant la rue des années perdues Je cherche en vain une ombre un livre Ici il n'y a que des visages indifférents Le matin me pousse comme les autres Au milieu des épaules Chacun rejoint sa cellule"
C'est un recueil-nid qui se replie sur lui-même. C'est l'enclos. La voix fragile fait appel à la mer, à l'ange, à la paix en réponse à la solitude. Seule la parole tient le monde. "Je suis comme le sable Silence et sommeil Si la mer ne lui prêtait un peu de son crissement Le vent dispersé le grain de mes années Je guette le ressac des mots Quelques rêves marins Pour reconstituer provisoirement En souvenirs humides Un peu de ce que je fus" Terre d'élégie... dissolution... conscience d'un paradis perdu. Charme de ce recueil, attentif, désenchanté. Sur la couverture , une nuit étoilée de Van Gogh sur la rue sombre où éclate la lumière jaune d'une terrasse de café. Refuge de chaleur pour solitaire. Il faut imaginer Van Gogh peignant la nuit, éclairant sa toile par quelques bougies plantées sur son chapeau, car il voulait être là baignant dans cette clarté sombre des étoiles. Je comprends mieux votre recherche dans la fiction des romans que vous choisissez de chroniquer mais quelle poésie envoûtante...
Le dernier poème du recueil "Les voiles d'encre" (édité par L'arbre à paroles en 2016)
Étoiles
"Quelques pas dans la nuit Qui évoquent un homme Ou un écho
Un homme que nul ne voit Un homme dans sa propre nuit A l'intérieur de la nuit Une vie comme un empilement de nuits
Quelques pas obstinés
Tamiseur de nuit chercheur d'étoile "
Ce poème semble le portrait d'un homme dépossédé de lui-même, séparé de lui par un dédoublement poétique. Il vacille entre absence et présence entre doute et vertige..Il disparaît. Anamnèse... Ce pourrait être les premières lignes d'un roman. Il sort de lui et entre dans la survie dans un temps entre l'autrefois et le futur. Ubiquité... Distance temporelle créée par l'écriture. Entre-t-il dans l'irréel du présent entre ici et ailleurs ? Juste un décalage... Reviendra-t-il à la femme aimée comme Orphée par son chant ? Et c'est le dernier poème du recueil... De la nuit en plein jour....
Ce qui traverse les trois recueils c'est la bonté, le silence, l'incertitude, la douceur et une légèreté qui donne aux mots le poids d'un papillon. Eh bien, elle est bien belle votre poésie !
En dehors du poème "japonais" je suis assez satisfait (en mode Prévert) de :
Le temps passait Et tu ne disais rien Rien de tes joies Rien de tes souffrances Le temps passait et tu étais là Maintenant que tu as disparu J’affronte Les escaliers interminables Les clefs qu’on ne trouve plus Les rendez vous ratés Les petites morts quotidiennes C’est ta façon à toi De me parler
"Poèmes choisis" qui recueille des textes juvéniles est une auto-édition. Caractères Lexicon, papier de qualité et illustration de plage corse... Je m'étais fait aider pour l'édition par une maquettiste professionnelle.
Merci de m'avoir lu. Quelqu'un se souviendra de moi. Qui m’aime se souvienne Du sifflement des oiseaux Et d’une âme au seuil de la porte
Mais Soleil vert, ma lecture est loin d'être terminée. C'est un premier survol. J'avais remarqué ce poème. Ces silences qui tuent... Et puis la mort, la vraie, qui laisse les questions sans réponse. La mort, la vraie qui se révèle dans les petites absences quotidiennes. Le vrai et terrible silence. La place des remords. Tout ce qu'on na pas dit. De temps à autre, je reviendrai ici car bien des poèmes méritent une lecture approfondie. L'articulation du premier recueil me reste obscure. Comment l'avez-vous conçu. Les poèmes ont-ils tous été écrits la même annee ?
Un livre de poésie ça ne se lit pas comme un roman. Ce sont des livres, quand on les a choisis, qui sont à portée de la main pendant des années. Soudain tel morceau de poème nous revient en mémoire. On saisit le livre, recherche le poème et voilà qu'il nous parle, cède encre un peu de ses secrets. Surtout que votre écriture dévoile dans dévoiler. Il y a toujours des seuils de silence. Des haltes pour laisser longuement résonner un mot. J'ai ainsi, à la maison, mon coin poésie. Quelque chose y palpite de secret, de murmuré. Je vous imagine, marchant et écrivant dans votre tête ou sur un carnet. D'abord un mot, un rythme. Et ça monte comme des bulles épargnées dans la noirceur des eaux troubles du quotidien. Pourquoi avez-vous abandonné ? C'est trop peu, trois recueils. Même si c'est difficile de se faire éditer, il faut écrire car vos poèmes, personne ne les a écrits, ne peut les écrire.
L'illustration de plage corse... Dans vos liens il y a le beau dialogue avec l'artiste Dany Marie et un renvoi à son site où l'on voit ses oeuvres. Je vous avais écrit apprécier aussi ses oeuvres abstraites. Oui. Le papier est beau. Comme la mise en pages. Tout cet espace blanc, reposant autour de chaque poème. C'était en 2012. La premiere vague de poèmes est dédiée à Onyx, le beau persan qui traverse vos songes puis le beau et douloureux poème, puis sa fourrure de vent dans les feuilles. Le panier à linge jaune... Surgissent.encore des souvenirs.... Et les derniers vers si émouvants : "Dans l'espoir qu'un souffle ténu Vienne effleurer ma bouche et mes cheveux" Oui, c'est ainsi que les chats veillent leur maitre puis se lovent contre eux et s'endorment, confiants.
Il me reste à découvrir : Le monde enfermé, Fragments de ma demeure, Poèmes à l'autre. J'avance lentement, humant l'air, passant d'un recueil à l'autre. Sortilèges. Puis je chercherai les passerelles : couleurs, images, sons, paysages. L'ici et l'ailleurs... Bonne soirée. C'est moi qui vous dis Merci. Comme je l'ai dit plusieurs fois à Raymond qui écrit différemment de vous et dont les songes sont aimantés par Le Chemin... Son premier et si beau livre avec les gouaches de son amie.
Premier recueil, donc. Le monde enfermé. Très très étonnant. Ça donne le tournis. Les deux citations en exergue donnent le fil d'Ariane pour sortir de ce labyrinthe. "Lorsque les oiseaux regardent à l'intérieur des maisons..." échangeant leurs "cages imaginaires" contre un espace intérieur dilaté par la rêverie. Ce poème m'entraîne dans les toiles de Magritte ou de Dali. Besoin de l'image pour rendre vos mots palimpsestes. "L'armoire qui délivre sa mémoire d'arbre" Puissions-nous délivrer la nôtre...
Puis viennent d'autres mots (maux) : "Ce matin la douleur est un étirement de sable Une marche sans horizon Un battement de mer inlassable Les mots tournoient inaccessibles dans le ciel (...)"
Je les appose à ceux de Georges Schehadé : "Sur. Cette plage abandonnée Elle ne venait que pour s'en aller Comme les vagues de la mer" Très proches aussi de ceux que vous avez choisis, hier : "Le temps passait et tu étais là Maintenant que tu as disparu J’affronte (...)" La mer, le sable et la perte. Solitude... L'absence et la disparition. Comme si seule l'absence pouvait faire naître sa présence. Georges Schehadé écrit aussi : "Dans la cage d'un oiseau il y a un jardin de tristesse Et toute la mélancolie d'une maison" Voilà qui relie vos deux poèmes. Comment se consoler de la vie ?
Et vous écrivez : "Les oiseaux qui fendent le ciel N'ont qu'un chant pour cicatriser le jour Et par les blessures entrouvertes S'échappent la lumière et les hommes Qui sommeillent avec les nuages" Et lui écrit : "Les oiseaux s'ouvriront qui n'ont plus de patience Et ce sera le songe de la première nuit" Traces de l'éphémère vous réunissent....
Pour vous c'est un Kanji, un idéogramme, une écriture. La porte aussi d'un monde invisible.
"Torii d'Itsukushima Kanji rouge posé sur l'eau Quelle main océane Inspira ta calligraphie
La voûte de ton portail Appelle un monde invisible Envoûtant est le livre Qui me lie à l'autre rive"
L'envol... Ascension spatiale, mentale... aérienne. Arrachement à la gravité C'est l'hybris... Tous les possibles.... Votre sanctuaire ressemble à un oiseau qui s'envole. Vous me faites penser au petit Nemo du pays du sommeil ( Little Nemo in Slumberland) créé en 1905 par Win McCay. Chaque matin, le petit Nemo se réveille au pied de son lit.. ses aventures n'obéissent qu'à la logique des rêves. Où à Georges Méliès et son voyage dans la lune. (Le tout premier film de science-fiction d'une grande poésie).
J'ai lu les premiers poèmes des années 1979 er 1978. Par éclats je vous retrouve mais les textes sont très compacts. Votre écriture a beaucoup évolué devenant plus resserrée, limpide, elliptique. 2016... 2018... Les poèmes de la maturité. Magnifiques ! J'ai maintenant envie de revenir à vos chroniques de romans qui sont vives, passionnantes. Il va me falloir retraverser le blog en sens inverse mais je garde précieusement le chemin qui mène à votre jardin poétique. Merci.
Vous avez écrit avoir abandonné définitivement l'écriture de la poésie. Quel dommage... Alors peut-être ces mots de Georges Schehadé : "Le bruit d'un coquillage n'est pas celui de la mer Ni le voyage du vent Mais le chant et la tombe d'un sommeil"
Je relis lentement les poèmes de vos vingt ans. 1977 "Enfin délivré de la houle Quand tout de plie A la pulsation des méduses Le poète en son sommeil Comme un cœur Qui bat sous la mer"
Quelle beauté... "Ecrire, c'est tracer des lignes de fuite", écrivait G. Deleuze. Il vous fallait donc rêver jusqu'à une langue nouvelle. Énigmatique écriture de la science-fiction... Celle de tous les possibles. Vous risquer dans une dimension de la métamorphose.. Quel voyage... Rencontre avec des personnages d'une inquiétante étrangeté. Vous rêvez en pensant que vous êtes éveillé... Nomade et libre. Les intuitions de vos poèmes seront déchiffrées comme pour réentendre vos propres paroles. Comme pour entendre encore le bruit du vent et de la houle dans le coquillage des livres. Entre les deux... soleils, invisible, une dimension d'inconnu, cristallisation silencieuse. Mémoire... Oubli... incessantes remémorations. Chagrin dont il ne restera que le cristal. Solitude.
J'avais été impressionné à l'époque par un Schéhadé bis : Fouad El-Etr, auteur du recueil "Comme une pieuvre que son encre efface" aux éditions La Délirante
C'est pratique, astucieux mais j'aime séparer les deux espaces. Ce que j'écris dans l'un devrait être différent de ce que j'écris dans l'autre. Un blog abritant deux soleils, un vert en haut, un bleu ici. Vous êtes un peu un extra terrestre né dans une bouteille d'encre ! Deux chemins qui bifurquent comme dans la couverture du roman de Priest (Anouck Faire) ou dans l'église dAnvers de van Gogh.
Non. Il a publié d'autres recueils que je n'ai pas lu. Je l'ai rencontré en 2016, il arrêtait l'activité de La Délirante. Qu'est-ce que j'aurais aimé être publié chez cet éditeur dont les livres étaient confectionnés avec un papier d'auvergne épais.
"Par un point situé sur un plan On ne peut faire passer qu’une perpendiculaire à ce plan. On dit ça… Mais par tous les points de mon plan à moi On peut faire passer tous les hommes, tous les animaux de la terre. Alors votre perpendiculaire me fait rire. Et pas seulement les hommes et les bêtes Mais encore beaucoup de choses Des cailloux Des fleurs Des nuages Mon père et ma mère Un bateau à voiles Un tuyau de poêle Et si cela me plaît Quatre cents millions de perpendiculaires."
Un sourire à ajouter au beau roman de Sigismund Krzyzanowski "Souvenirs du futur"
Quel plus bel endroit au seuil de la nuit pour poser un poème (ou chanson ?) d'André Hardellet ? Ce texte m'évoque "Tigre en papier" d'Olivier Rolin...
C'est un poème de jeunesse (1954). (Recueil : Le luisant et la Sorgue)
LA RONDE DE NUIT
"Les muses du quai de Bercy M'avaient conduit jusqu'à Grenelle Et leurs sœurs de la Grange-aux-Belles Vers les jardins clos de Passy, La nuit s'entendait avec elles, Les muses du quai de Bercy.
J'allais dans Paris, port de songe Ouvert au piéton noctambule, Avec mes amis de toujours Embarqués vers le crépuscule Et disparus au point du jour. J'allais dans Paris port de songe.
Restif, Nerval, Apollinaire, Léon-Paul Fargue et tous les autres Qui me montriez le chemin, Abordez-vous les lendemains Rayonnants sur les îles claires ? Restif, Nerval, Apollinaire...
D'abord c'est le Dimanche au cœur : Un départ à Paris-Bastille Vers les Eldorados sur Marne, La blonde en robe de fraîcheur, Ses seins fleuris par les jonquilles D'abord c'est le Dimanche au cœur.(...)
J'entre mais vous n'êtes pas là, Ce soir non plus, mes Vénitiennes, Vous que mon rêve suscitait D'un nom évoquant la blondeur Sans qu'il vous rencontrât jamais. J'entre, mais vous n'êtes pas là.
Dehors la nuit me parle bas Et je sens tomber ses pétales Sur tous les bonheurs inconnus Qui fusent au ciel quand s'exhale Le délirant plaisir des filles. Dehors la nuit me parle bas.(...)
Seul, les yeux fixés sur son verre, Un gars taciturne au comptoir : Il me ressemble comme un frère Et je connais son désespoir Aux heures blêmes du regret. Seul, les yeux fixés sur son verre.
Il revoit les hiers perdus, Un beau sourire qui s'efface Dans l'âge d'or des bras tendus et, tout à coup, dans une glace il ne se reconnaîtrait plus. il revoit les hiers perdus. (...)
L'aube va chasser le silence rassemblant ses oiseaux de feutre, Maintenant la ville apparaît - Et voici demain qui commence Entre deux nuits et leurs secrets. L'aube va chasser le silence."
Dans un tweet, Pierre Assouline salue la mémoire de Hans Magnus Enzensberger. Dans un de ses livres, insolite, j'ai trouvé cet étrange poème. Je me demande si un poète-romancier que j'ai rencontré en ce lieu-là le connaissait...
"Sans-papiers Boulevard de Port-Royal, mars 1999
Calmes conversations chez le poète au quatrième étage enfoui sous la neige des manuscrits des périodiques sur la table, au mur de silencieux classiques sur papier bible, résistant et fin comme des pelures d'oignon.
Sur le boulevard, dehors, tambours, véhicules d'intervention, porte-voix, danseurs, des enfants qui brillent et des femmes comme des reines en robes africaines, à la recherche d'un bout de papier."
Page 75. "L'histoire des nuages - 99 méditations" Hans Magnus Enzensberger Édition bilingue "Vagabonde" Traduit de l'allemand par Frédéric Joly et Patrick Charbonneau. Préface de Jean -Jacques Schuhl.
Le vent des prophéties (page 43 de votre dernier recueil "Rue des années perdues".)
"On me dit prophète héraut de l'automne Gardien des souvenirs Mais des amours déçus et des feuilles mortes Je souffle la caravane Je ne suis que le vent aux doigts de néant Qui rien ne possède et que nul ne possède"
En attendant la livraison :)
RépondreSupprimerAh, j'ai hâte !
SupprimerQuelle surprise ! Ils sont là tous les trois. J'avais pourtant ouvert la boîte hier ! Le facteur a dû passer dans l'après-midi... Joie.
RépondreSupprimerJe plonge dans toute cette beauté.
Comment appelle-t-on cela ? Une prémonition. J'écrivais que dans votre poésie certaines choses ne voulaient pas être oubliées ni que vous ne vouliez pas les oublier. Et c'est là devant sous les trois écrins que vous avez mis en bandeau pour cet espace de poésie.
RépondreSupprimerEspace... Comme cela va bien à vos poèmes.
J'ai retrouvé le poème "Départ", celui que vous aviez posé chez Raymond. Celui qui ouvre le recueil "Rue des années perdues". Ce jour-là, vous partiez..
"Sur le marchepied j'ai hésité
Le jour la nuit tout ce à quoi
Peut se résumer une vie d'homme"
Vous ajoutez :
"J'ai oublié ce que j'avais à te dire
Et je suis monté"
Et s'en viennent vos poèmes. Paroles pures qui percent une nuit obscure pour l'illuminer. Le temps retrouvé. Je ne sais où il commence; Peut-être dans cette "Mémoire africaine" :
"Je me souviens d'une case
Où des pêcheurs bleus lançaient leurs filets
Etais-je ce jeune homme aux poches remplies de poèmes
Humant la salure de l'espérance
Une pirogue fragile me tenait lier de rempart
Sous les cieux imprévisibles
j'écoutais les nuages et leur sourate d'eau
Un calao plantait en vain son cri
Mes filets n'accrochaient que le vent
Au loin descendu d’Égypte
Un vol d'ibis
M'enseignait la géométrie des rêves (...)"
Ou peut-être sur cette route ?
"Je marche sur une route précédé de mon ombre
Mais c'est l'ombre qui est la route (...)"
Et vous êtes là
près de la "fenêtre si grande ouverte
Qu'on la croit capable d'avaler le bleu du ciel
Ou quelque oiseau de passage (...)"
Une présence féminine, douce, voluptueuse hante ces recueils, presque irréelle, comme un rêve.
Lumière des choses inachevées...
Je vous laisse pour lire. C'esu un monde où je respire bien. Un monde qui n'existe que par le pouvoir des mots.
Je me souviens d'une case
RépondreSupprimerOù des pêcheurs bleus lançaient leurs filets ...
Souvenir d'un voyage au pays de Senghor
Que c'est bon de pouvoir passer d'un recueil à l'autre. Les années passent et ce qui est essentiel revient comme une écharde comme une douceur aussi.
RépondreSupprimerOui, ce paysage cher à Senghor est d'une beauté infinie comme le Torii d'Itsukushima. Écume et sel, eaux miroitantes avec ce portail rouge qui "appelle un monde invisible"
mais aussi la présence d'Onyx dieu persan.
Il faut avoir aimé vécu près d'un chat l'avoir accompagné jusqu'à la mort pour être bouleversé par ce poème :
"La nuit surgit ta couleur
Je sais l'instant où ta fourrure noire et soyeuse s'étend sur toute chose
Obscurité à moi seul familière
Je marche dans l'eau de tes prunelles
Tes pattes fourragent ma mémoire
Comme autrefois ma main ta robe
Viens fuyons dans la peau du ciel
Et les nuages et les rêves recomposés
L'or de ton regard précède l'aube
Est-ce toi qui roule cette pelote inextricable de jour et de nuit
Comment oublierais-je
Ta beauté réduite en cendres"
Il apparaît dès le premier recueil, fugitivement :
"Robe d'ombre fugitive, éclats d'or de tes yeux
Les jours bondissent plus vite que toi."
Ou encore :
"Est-ce moi qui me débattais
Dans les pattes de tes rêves "
Chaque thème , ainsi, apparaît, disparaît, est rappelé. L'écriture s'allège, retient l'essentiel. Le lecteur retrouve une mélodie, une image. C'est un chemin de mémoire douce.
La femme aimée aussi revient comme vague. Le poète la tutoie tristement. Pourquoi cette absence ? Tendre beauté dont les mains ouvrent à la nuit.
Ce qui est sensible , c'est la façon dont se dessine votre blog ("la sortie est au fond du web) dans vos poèmes.
RépondreSupprimerAinsi, dans le recueil "Les voiles d'encre" /L'Arbre à paroles, (mon préféré), ce poème, "Mémoire" :
"La nuit roule ses vagues d'ancolies noires
Je cherche le sentier du sommeil
Dans les herbes hautes d'un livre
Un conte tente de se frayer un chemin
Jusqu'à la braise de la lampe
Clarté mourante
Nous sommes deux
A nous souvenir de l'Univers"
Ainsi, les mots, déjà, balancent entre deux mondes. L'immédiat de la poésie pénètre l'étrangeté du monde. L'inaccessible de la science-fiction habite cette coulée sonore dans une immense douceur.
"
Je voulais, comme dans les poèmes de Schéhadé, atteindre un au-delà émerveillé.
RépondreSupprimer"Ce n’est pas des mots pour rien ce poème
RépondreSupprimerCe n’est pas un chant pour personne cette mélancolie
Voici l’automne et ses froides étoiles
Il reste assez de vent pour s’enfuir
L’oiseau d’Afrique demande l’heure
Mais la mer est loin comme un voyage
Et les pays se perdent dans les pays
– Écoute à travers les ramures
Le bruit doré d’un arbre qui meurt"
Georges Schéhadé
A la limite de la disparition. votre lieu est le mouvement. peut-être que le monde perdu commence sur le versant caché des mots, dans le chuchotement du poème écrit avec une main enfin libérée de la pesanteur du réel.
Comment déplier le désir d'ailleurs ?
Enfin, la poésie s'appuie sur le réel par la présence dans le monde. Sans le réel la poésie n'est plus poésie. Elle permet même d'accéder au réel. Mais la réalité en est transformée.
RépondreSupprimerMais la littérature et la vie ne sont pas tout à fait les mêmes espaces.
C'est un double "je".
Mêlant le rêve à la réalité. Une connaissance poétique du monde. Présence... Absence...
RépondreSupprimerLa beauté du monde et de la déchirure génèrent l'écriture de vos poèmes teintés de sensualité, de mélancolie. La nature devient lieu poétique mais la gaité y fait des etincelles.
RépondreSupprimerVous écrivez :
"Je suis net à Montevideo ou peut-être sur le fleuve Congo
Dans un jardin au Liban près d'une fontaine
Mes parents s'appelaient Jules jacques ou Georges
Je suis né d'une famille de poètes recomposée
Dont les noms ornent les rues les places les hôpitaux
Et qui me laissent en héritage
Un cavalier à l'épaule de nuit
Des arbres voyageurs et des aras malicieux
Qui se moquent de ma page blanche"
Oh désolée ! "Je suis né..."
RépondreSupprimerCe qui est beau dans votre mélancolie c'est qu'elle rejoint la légèreté, l'insouciance, la fraîcheur.
RépondreSupprimer"Que ton vers soit la chose envolée" écrivez Verlaine.
Ainsi faites-vous dans "Le temps des hommes".
"Pins odorants mer étincelante éternité bienheureuse
Pactes de lumière accordés à nos brèves existences (...)
Et nous offrez un bref instant le langage des feuilles
Ce que dit l'arbre dans sa respiration d'oiseau (...)"
Avant de retrouver après la saison éphémère de la joie., La tristesse..
"Que tout corps devienne danseur et que tout esprit devienne oiseau" écrivait Georges schehadé.
"Jules jacques ou Georges"
RépondreSupprimerJules Supervielle, Jacques Prévert, Georges Schéhadé, mais j'aurais pu ajouter Jean-Baptiste Tati-Loutard :
NOUVELLES DE MA MÈRE (in Poèmes de la mer)
Je suis maintenant très haut dans l’arbre des saisons ;
En bas je contemple la terre ferme du passé.
Quand les champs s’ouvraient aux semailles,
Avant que le baobab n’épaule quelques oiseaux
Au premier signal du soleil,
Ce sont tes pas qui chantaient autour de moi :
Grains de clochettes rythmant mes ablutions.
Je suis maintenant très haut dans l’arbre des saisons.
Apprends par ce quinzième jour de lune,
Que ce sont les larmes ― jusqu’ici ―
Qui comblent ton absence,
Allègent goutte à goutte ton image
Trop lourde sur ma pupille ;
Le soir sur ma natte je veille toute trempée de toi
Comme si tu m’habitais une seconde fois.
Magnifique poème pour rencontrer Jean-Baptiste Tati Moutard.
Supprimerl'Afrique aimée et là aussi la mémoire du bonheur.
Tati-Loutard
SupprimerSupervielle...
SupprimerMe revient en mémoire : "Le front aux vitres comme font les veilleurs de chagrin (...)
J'étais comme un bateau coulant dans l'eau fermée
Comme un mort je n'avais qu'un unique élément"
Eh non, c'est Eluard !
SupprimerAlors quoi de Supervielle dans ma mémoire ? "Où courent ils ainsi ces lièvres, ces belettes..."
C'est l'histoire d'un homme seul, de mots qui l'atteignent comme des balles perdues, du mal fait à des amis....
https://pagestranquilles.fr/2022/03/25/pour-vivre-ici-extrait-de-paul-eluard/
Voilà j'ai retrouvé ! Ça vous ressemble aussi, comme le bateau d'Eluarf qui coule dans l'eau fermée :
Supprimerhttps://www.laculturegenerale.com/les-amis-inconnus-poeme-jules-supervielle/
Eluard
SupprimerElle est belle votre famille "recomposée" !
RépondreSupprimer"Il faut avoir aimé vécu près d'un chat l'avoir accompagné jusqu'à la mort pour être bouleversé par ce poème :"
RépondreSupprimerJ'ai été évasif à ce sujet, plus haut sur le blog principal, mais la mort d'Onyx a été un arrachement et le souvenir de ses derniers instants c'est comme si on m'extirpait le cœur à chaque fois. Ce chat était exclusif. Tous les jours je me heurtais, je me heurte à des indifférences, à des hostilités, à moi-même, et là "on" m'arrachait un des biens les plus précieux, celui que j'étais censé protéger, qui ne plaçait sa confiance qu'en moi.
Mes enfants et mes petits-enfants, mon frère aussi ont vécu ce drame et ont accompagné, chacun, leur chat âgé et arrivé au bout de sa vie chez le véto. Ils étaient dévastés de chagrin. Tous ont tenu leur chat dans leurs bras au moment de la piqûre fatale.
RépondreSupprimerVotre poème est plein d'amour pour votre petit compagnon..
Pour prolonger la douceur et la tristesse de cette mémoire, ce petit texte de Philippe Jaccottet du recueil "Ce peu de bruit".
RépondreSupprimer"La chatte (dont il a bien fallu abréger les jours) : le silence total de ses pas, où qu'elle allât - passages d'une ombre lumineuse, pour nous en partie absente, comme prise dans un rêve tranquille, avec peu de cris et ceux-ci, les derniers temps, de plus en plus brefs et faibles. Avec plusieurs fois par jour, des rites presque horlogers, dès le réveil ; et l'attachement, tout de même, qu'elle suscite et dont elle fait si discrètement preuve en retour : une petite âme tout de même, visiblement inquiète et boudeuse au moment de nos rares départs. A la campagne, l'été, cet autre rite indépendant de nous celui-ci : d'aller au coucher du soleil, presque immanquablement s'allonger sur le même rocher, face au soleil, comme pour profiter encore de sa chaleur. Une petite âme en chaussons de fourrure, peu de chose, mais tout de même."
Le soir tombant, j'ai lu lentent votre dernier recueil paru en 2018. C'est une longue élégie. "Rue des années perdues". J'aime le nom de la maison d'édition "La petite porte". Comme cela vous va bien. Un murmure...
RépondreSupprimer"Entre lune et sommeil
J'étais entre la lune et le sommeil
J'étais ce bateau remontant le fleuve
Guettant les rives
Où les arbres joignent leurs branches
par-dessus les eaux
Je ne peux dormir sans la bénédiction
De tes mains"
Le monde est-il encore habitable poétiquement ?
Tout semble devenir incertitude. Le poète flotte dans un entre-deux dans un lieu sans frontière soulignant la perte.. Il s'absente...
Ici et ailleurs, immobile au milieu de la foule.
"Remontant la rue des années perdues
Je cherche en vain une ombre un livre
Ici il n'y a que des visages indifférents
Le matin me pousse comme les autres
Au milieu des épaules
Chacun rejoint sa cellule"
lentement
RépondreSupprimerC'est un recueil-nid qui se replie sur lui-même. C'est l'enclos. La voix fragile fait appel à la mer, à l'ange, à la paix en réponse à la solitude. Seule la parole tient le monde.
RépondreSupprimer"Je suis comme le sable
Silence et sommeil
Si la mer ne lui prêtait un peu de son crissement
Le vent dispersé le grain de mes années
Je guette le ressac des mots
Quelques rêves marins
Pour reconstituer provisoirement
En souvenirs humides
Un peu de ce que je fus"
Terre d'élégie... dissolution... conscience d'un paradis perdu.
Charme de ce recueil, attentif, désenchanté.
Sur la couverture , une nuit étoilée de Van Gogh sur la rue sombre où éclate la lumière jaune d'une terrasse de café. Refuge de chaleur pour solitaire. Il faut imaginer Van Gogh peignant la nuit, éclairant sa toile par quelques bougies plantées sur son chapeau, car il voulait être là baignant dans cette clarté sombre des étoiles.
Je comprends mieux votre recherche dans la fiction des romans que vous choisissez de chroniquer mais quelle poésie envoûtante...
disperse
RépondreSupprimerCar le bleu accorde le jour et la nuit, la mer et le ciel dans ses profondeurs...
RépondreSupprimerLe dernier poème du recueil "Les voiles d'encre" (édité par L'arbre à paroles en 2016)
RépondreSupprimerÉtoiles
"Quelques pas dans la nuit
Qui évoquent un homme
Ou un écho
Un homme que nul ne voit
Un homme dans sa propre nuit
A l'intérieur de la nuit
Une vie comme un empilement de nuits
Quelques pas obstinés
Tamiseur de nuit chercheur d'étoile "
Ce poème semble le portrait d'un homme dépossédé de lui-même, séparé de lui par un dédoublement poétique. Il vacille entre absence et présence entre doute et vertige..Il disparaît. Anamnèse...
Ce pourrait être les premières lignes d'un roman. Il sort de lui et entre dans la survie dans un temps entre l'autrefois et le futur. Ubiquité... Distance temporelle créée par l'écriture. Entre-t-il dans l'irréel du présent entre ici et ailleurs ? Juste un décalage... Reviendra-t-il à la femme aimée comme Orphée par son chant ?
Et c'est le dernier poème du recueil... De la nuit en plein jour....
Ce qui traverse les trois recueils c'est la bonté, le silence, l'incertitude, la douceur et une légèreté qui donne aux mots le poids d'un papillon.
RépondreSupprimerEh bien, elle est bien belle votre poésie !
En dehors du poème "japonais" je suis assez satisfait (en mode Prévert) de :
RépondreSupprimerLe temps passait
Et tu ne disais rien
Rien de tes joies
Rien de tes souffrances
Le temps passait et tu étais là
Maintenant que tu as disparu
J’affronte
Les escaliers interminables
Les clefs qu’on ne trouve plus
Les rendez vous ratés
Les petites morts quotidiennes
C’est ta façon à toi
De me parler
"Poèmes choisis" qui recueille des textes juvéniles est une auto-édition. Caractères Lexicon, papier de qualité et illustration de plage corse... Je m'étais fait aider pour l'édition par une maquettiste professionnelle.
Merci de m'avoir lu. Quelqu'un se souviendra de moi.
Qui m’aime se souvienne
Du sifflement des oiseaux
Et d’une âme au seuil de la porte
Merci
Mais Soleil vert, ma lecture est loin d'être terminée. C'est un premier survol.
RépondreSupprimerJ'avais remarqué ce poème. Ces silences qui tuent...
Et puis la mort, la vraie, qui laisse les questions sans réponse.
La mort, la vraie qui se révèle dans les petites absences quotidiennes.
Le vrai et terrible silence.
La place des remords. Tout ce qu'on na pas dit.
De temps à autre, je reviendrai ici car bien des poèmes méritent une lecture approfondie.
L'articulation du premier recueil me reste obscure. Comment l'avez-vous conçu. Les poèmes ont-ils tous été écrits la même annee ?
Un livre de poésie ça ne se lit pas comme un roman. Ce sont des livres, quand on les a choisis, qui sont à portée de la main pendant des années. Soudain tel morceau de poème nous revient en mémoire. On saisit le livre, recherche le poème et voilà qu'il nous parle, cède encre un peu de ses secrets. Surtout que votre écriture dévoile dans dévoiler. Il y a toujours des seuils de silence. Des haltes pour laisser longuement résonner un mot.
RépondreSupprimerJ'ai ainsi, à la maison, mon coin poésie. Quelque chose y palpite de secret, de murmuré.
Je vous imagine, marchant et écrivant dans votre tête ou sur un carnet. D'abord un mot, un rythme. Et ça monte comme des bulles épargnées dans la noirceur des eaux troubles du quotidien.
Pourquoi avez-vous abandonné ?
C'est trop peu, trois recueils. Même si c'est difficile de se faire éditer, il faut écrire car vos poèmes, personne ne les a écrits, ne peut les écrire.
L'illustration de plage corse... Dans vos liens il y a le beau dialogue avec l'artiste Dany Marie et un renvoi à son site où l'on voit ses oeuvres. Je vous avais écrit apprécier aussi ses oeuvres abstraites.
RépondreSupprimerOui. Le papier est beau. Comme la mise en pages. Tout cet espace blanc, reposant autour de chaque poème.
C'était en 2012.
La premiere vague de poèmes est dédiée à Onyx, le beau persan qui traverse vos songes puis le beau et douloureux poème, puis sa fourrure de vent dans les feuilles. Le panier à linge jaune... Surgissent.encore des souvenirs....
Et les derniers vers si émouvants :
"Dans l'espoir qu'un souffle ténu
Vienne effleurer ma bouche et mes cheveux"
Oui, c'est ainsi que les chats veillent leur maitre puis se lovent contre eux et s'endorment, confiants.
Il me reste à découvrir : Le monde enfermé, Fragments de ma demeure, Poèmes à l'autre.
RépondreSupprimerJ'avance lentement, humant l'air, passant d'un recueil à l'autre. Sortilèges.
Puis je chercherai les passerelles : couleurs, images, sons, paysages. L'ici et l'ailleurs...
Bonne soirée.
C'est moi qui vous dis Merci.
Comme je l'ai dit plusieurs fois à Raymond qui écrit différemment de vous et dont les songes sont aimantés par Le Chemin... Son premier et si beau livre avec les gouaches de son amie.
Premier recueil, donc.
RépondreSupprimerLe monde enfermé. Très très étonnant. Ça donne le tournis.
Les deux citations en exergue donnent le fil d'Ariane pour sortir de ce labyrinthe.
"Lorsque les oiseaux regardent à l'intérieur des maisons..." échangeant leurs "cages imaginaires" contre un espace intérieur dilaté par la rêverie.
Ce poème m'entraîne dans les toiles de Magritte ou de Dali. Besoin de l'image pour rendre vos mots palimpsestes.
"L'armoire qui délivre sa mémoire d'arbre"
Puissions-nous délivrer la nôtre...
Puis viennent d'autres mots (maux) :
RépondreSupprimer"Ce matin la douleur est un
étirement de sable
Une marche sans horizon
Un battement de mer inlassable
Les mots tournoient inaccessibles dans le ciel (...)"
Je les appose à ceux de Georges Schehadé :
"Sur. Cette plage abandonnée
Elle ne venait que pour s'en aller
Comme les vagues de la mer"
Très proches aussi de ceux que vous avez choisis, hier :
"Le temps passait et tu étais là
Maintenant que tu as disparu
J’affronte (...)"
La mer, le sable et la perte. Solitude... L'absence et la disparition.
Comme si seule l'absence pouvait faire naître sa présence.
Georges Schehadé écrit aussi :
"Dans la cage d'un oiseau il y a un jardin de tristesse
Et toute la mélancolie d'une maison"
Voilà qui relie vos deux poèmes.
Comment se consoler de la vie ?
Et vous écrivez :
RépondreSupprimer"Les oiseaux qui fendent le ciel
N'ont qu'un chant pour cicatriser le jour
Et par les blessures entrouvertes
S'échappent la lumière et les hommes
Qui sommeillent avec les nuages"
Et lui écrit :
"Les oiseaux s'ouvriront qui n'ont plus de patience
Et ce sera le songe de la première nuit"
Traces de l'éphémère vous réunissent....
https://www.japan-experience.com/fr/decouvrir/miyajima/temples-sanctuaires/sanctuaire-itsukushima
RépondreSupprimerPour vous c'est un Kanji, un idéogramme, une écriture. La porte aussi d'un monde invisible.
"Torii d'Itsukushima
Kanji rouge posé sur l'eau
Quelle main océane
Inspira ta calligraphie
La voûte de ton portail
Appelle un monde invisible
Envoûtant est le livre
Qui me lie à l'autre rive"
L'envol... Ascension spatiale, mentale... aérienne. Arrachement à la gravité
C'est l'hybris... Tous les possibles....
Votre sanctuaire ressemble à un oiseau qui s'envole.
Vous me faites penser au petit Nemo du pays du sommeil ( Little Nemo in Slumberland) créé en 1905 par Win McCay. Chaque matin, le petit Nemo se réveille au pied de son lit.. ses aventures n'obéissent qu'à la logique des rêves. Où à Georges Méliès et son voyage dans la lune. (Le tout premier film de science-fiction d'une grande poésie).
ou
SupprimerJ'ai lu les premiers poèmes des années 1979 er 1978. Par éclats je vous retrouve mais les textes sont très compacts. Votre écriture a beaucoup évolué devenant plus resserrée, limpide, elliptique. 2016... 2018... Les poèmes de la maturité. Magnifiques !
RépondreSupprimerJ'ai maintenant envie de revenir à vos chroniques de romans qui sont vives, passionnantes.
Il va me falloir retraverser le blog en sens inverse mais je garde précieusement le chemin qui mène à votre jardin poétique. Merci.
Vous avez écrit avoir abandonné définitivement l'écriture de la poésie. Quel dommage...
RépondreSupprimerAlors peut-être ces mots de Georges Schehadé :
"Le bruit d'un coquillage n'est pas celui de la mer
Ni le voyage du vent
Mais le chant et la tombe d'un sommeil"
Je relis lentement les poèmes de vos vingt ans.
RépondreSupprimer1977
"Enfin délivré de la houle
Quand tout de plie
A la pulsation des méduses
Le poète en son sommeil
Comme un cœur
Qui bat sous la mer"
Quelle beauté...
"Ecrire, c'est tracer des lignes de fuite", écrivait G. Deleuze.
Il vous fallait donc rêver jusqu'à une langue nouvelle. Énigmatique écriture de la science-fiction... Celle de tous les possibles. Vous risquer dans une dimension de la métamorphose.. Quel voyage... Rencontre avec des personnages d'une inquiétante étrangeté. Vous rêvez en pensant que vous êtes éveillé... Nomade et libre. Les intuitions de vos poèmes seront déchiffrées comme pour réentendre vos propres paroles. Comme pour entendre encore le bruit du vent et de la houle dans le coquillage des livres.
Entre les deux... soleils, invisible, une dimension d'inconnu, cristallisation silencieuse. Mémoire... Oubli... incessantes remémorations.
Chagrin dont il ne restera que le cristal. Solitude.
(quand tout se plie)
RépondreSupprimerJ'avais été impressionné à l'époque par un Schéhadé bis : Fouad El-Etr, auteur du recueil
Supprimer"Comme une pieuvre que son encre efface" aux éditions La Délirante
En cliquant sur <- Espace poétique, puis la triple barre horizontale, vous pouvez revenir au blog principal
SupprimerC'est pratique, astucieux mais j'aime séparer les deux espaces. Ce que j'écris dans l'un devrait être différent de ce que j'écris dans l'autre. Un blog abritant deux soleils, un vert en haut, un bleu ici. Vous êtes un peu un extra terrestre né dans une bouteille d'encre !
SupprimerDeux chemins qui bifurquent comme dans la couverture du roman de Priest (Anouck Faire) ou dans l'église dAnvers de van Gogh.
Anouck Faure
SupprimerVous l'avez lu ce roman-conte récent ?
RépondreSupprimerhttps://www.lacauselitteraire.fr/en-memoire-d-une-saison-de-pluie-fouad-el-etr-par-laurent-fassin
Non. Il a publié d'autres recueils que je n'ai pas lu. Je l'ai rencontré en 2016, il arrêtait l'activité de La Délirante. Qu'est-ce que j'aurais aimé être publié chez cet éditeur dont les livres étaient confectionnés avec un papier d'auvergne épais.
RépondreSupprimerJe comprends !
RépondreSupprimerVous m'avez fait decouvrir sa poésie lyrique et fluide et sa vie et même son visage, très intéressant.
Par un point situé sur un plan de Robert Desnos
RépondreSupprimer"Par un point situé sur un plan
On ne peut faire passer qu’une perpendiculaire à ce plan.
On dit ça…
Mais par tous les points de mon plan à moi
On peut faire passer tous les hommes, tous les animaux de la terre.
Alors votre perpendiculaire me fait rire.
Et pas seulement les hommes et les bêtes
Mais encore beaucoup de choses
Des cailloux
Des fleurs
Des nuages
Mon père et ma mère
Un bateau à voiles
Un tuyau de poêle
Et si cela me plaît
Quatre cents millions de perpendiculaires."
Un sourire à ajouter au beau roman de Sigismund Krzyzanowski "Souvenirs du futur"
Quel plus bel endroit au seuil de la nuit pour poser un poème (ou chanson ?) d'André Hardellet ? Ce texte m'évoque "Tigre en papier" d'Olivier Rolin...
RépondreSupprimerC'est un poème de jeunesse (1954). (Recueil : Le luisant et la Sorgue)
LA RONDE DE NUIT
"Les muses du quai de Bercy
M'avaient conduit jusqu'à Grenelle
Et leurs sœurs de la Grange-aux-Belles
Vers les jardins clos de Passy,
La nuit s'entendait avec elles,
Les muses du quai de Bercy.
J'allais dans Paris, port de songe
Ouvert au piéton noctambule,
Avec mes amis de toujours
Embarqués vers le crépuscule
Et disparus au point du jour.
J'allais dans Paris port de songe.
Restif, Nerval, Apollinaire,
Léon-Paul Fargue et tous les autres
Qui me montriez le chemin,
Abordez-vous les lendemains
Rayonnants sur les îles claires ?
Restif, Nerval, Apollinaire...
D'abord c'est le Dimanche au cœur :
Un départ à Paris-Bastille
Vers les Eldorados sur Marne,
La blonde en robe de fraîcheur,
Ses seins fleuris par les jonquilles
D'abord c'est le Dimanche au cœur.(...)
J'entre mais vous n'êtes pas là,
Ce soir non plus, mes Vénitiennes,
Vous que mon rêve suscitait
D'un nom évoquant la blondeur
Sans qu'il vous rencontrât jamais.
J'entre, mais vous n'êtes pas là.
Dehors la nuit me parle bas
Et je sens tomber ses pétales
Sur tous les bonheurs inconnus
Qui fusent au ciel quand s'exhale
Le délirant plaisir des filles.
Dehors la nuit me parle bas.(...)
Seul, les yeux fixés sur son verre,
Un gars taciturne au comptoir :
Il me ressemble comme un frère
Et je connais son désespoir
Aux heures blêmes du regret.
Seul, les yeux fixés sur son verre.
Il revoit les hiers perdus,
Un beau sourire qui s'efface
Dans l'âge d'or des bras tendus
et, tout à coup, dans une glace
il ne se reconnaîtrait plus.
il revoit les hiers perdus. (...)
L'aube va chasser le silence
rassemblant ses oiseaux de feutre,
Maintenant la ville apparaît
- Et voici demain qui commence
Entre deux nuits et leurs secrets.
L'aube va chasser le silence."
Dans un tweet, Pierre Assouline salue la mémoire de Hans Magnus Enzensberger.
RépondreSupprimerDans un de ses livres, insolite, j'ai trouvé cet étrange poème.
Je me demande si un poète-romancier que j'ai rencontré en ce lieu-là le connaissait...
"Sans-papiers
Boulevard de Port-Royal, mars 1999
Calmes conversations chez le poète au quatrième étage
enfoui sous la neige des manuscrits
des périodiques sur la table, au mur
de silencieux classiques sur papier bible, résistant
et fin comme des pelures d'oignon.
Sur le boulevard, dehors, tambours,
véhicules d'intervention, porte-voix, danseurs,
des enfants qui brillent et des femmes
comme des reines en robes africaines,
à la recherche d'un bout de papier."
Page 75. "L'histoire des nuages - 99 méditations" Hans Magnus Enzensberger
Édition bilingue "Vagabonde"
Traduit de l'allemand par Frédéric Joly et Patrick Charbonneau.
Préface de Jean -Jacques Schuhl.
Soleil vert, comment avez-vous écrit vos poèmes. Sur un carnet, des feuilles, le clavier d'un ordinateur ? Chez vous ? Dehors ? En marchant ?
RépondreSupprimerLe vent des prophéties
RépondreSupprimer(page 43 de votre dernier recueil "Rue des années perdues".)
"On me dit prophète héraut de l'automne
Gardien des souvenirs
Mais des amours déçus et des feuilles mortes
Je souffle la caravane
Je ne suis que le vent aux doigts de néant
Qui rien ne possède et que nul ne possède"